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adminQuelles sont les difficultés rencontrées par les étudiants marocains au cours de leur formation supérieure et universitaire ?
Il est difficile d’avoir une réponse objective pour déterminer les difficultés rencontrées par « tous les étudiants marocains ». Cette question mérite d’être traitée dans la cadre d’une recherche scientifique, sur un large public et qui toucherait toutes les régions du Maroc. Mais pour ce qui est des étudiants que nous accueillons, ce qui est frappant dans leur grande majorité c’est leur faible niveau de langue tant en français qu’en anglais. De même, nous avons constaté que les soft skills nécessaires aux ingénieurs nécessitent un réel renforcement en visant particulièrement leurs capacités de communication, de travail d’équipe et d’innovation.
Les compétences techniques sont-elles suffisantes pour réussir dans le domaine professionnel ou faut-il être aussi mieux outillé côté qualités humaines ?
Ces dernières années, la dimension humaine du professionnel est de plus en plus valorisée. Les compétences comportementales sont singulièrement visées, dans pratiquement toutes les formations professionnelles. Aujourd’hui, force est de constater que la réussite professionnelle ne dépend pas uniquement des compétences techniques mais aussi de ces fameux soft skills qui constituent une plus-value indéniable dans l’insertion, l’évolution et le succès professionnels.
En raison de la vitesse des progrès technologiques, les compétences techniques et surtout dans le domaine du numérique sont particulièrement volatiles. Il est donc important d’avoir de bonnes bases scientifiques et techniques et de développer une capacité d’adaptation et d’autoformation. De ce fait, la réussite professionnelle est un mélange judicieux des compétences technologiques et humaines.
Dans un monde de plus en plus numérisé, comment voyez-vous le rôle de l’ingénieur marocain?
C’est une question pertinente… l’ingénieur marocain ne diffère pas des autres ingénieurs à travers le monde. Aujourd’hui, et demain plus encore, la technique sera de plus en plus automatisée et numérisée. Dans un tel contexte, l’ingénieur devra alors jouer le rôle d’interface entre le technologique et l’humain. Plus l’intelligence artificielle se développera et plus nos sociétés auront besoin d’ingénieurs à fort potentiel humain, empathiques, créatifs, capables de résoudre des problèmes, de s’adapter rapidement, de prendre les bonnes décisions et aussi de travailler efficacement dans le cadre d’une équipe pluridisciplinaire. D’où l’impérativité de mettre nos étudiants en situation d’apprentissage dynamique des soft skills.
Les compétences comportementales ou soft skills sont devenues incontournables en entreprise surtout à l’ère de la transformation digitale et de l’intelligence artificielle. Ce savoir-être est-il inculqué aux étudiants de votre institut ? Parlez-nous de votre projet ?
Le lancement des 7 nouvelles filières de l’INPT a mis en exergue la nécessité de faire preuve d’innovation au niveau pédagogique pour mettre nos étudiants dans des situations qui ciblent des acquis d’apprentissage, tout en maintenant un haut niveau de motivation et d’implication. Il est clair qu’à l’INPT, nous sommes soucieux de former des ingénieurs capables de soutenir le développement de notre pays, de répondre aux besoins actuels et d’anticiper les exigences futures du marché de l’emploi. Pour ce faire, nous avons évolué dans notre approche pédagogique : en deuxième année, nous sommes passé des « Techniques d’Expression et de Communication » à la «Communication et au Développement Personnel ». Aujourd’hui, nous proposons un projet innovant intitulé « Communication et développement des Soft Skills » qui place l’étudiant au cœur de notre dispositif pédagogique en en faisant un acteur dynamique et responsable. Nous leur proposons des situations d’apprentissage des soft skills visés par le biais d’ateliers dynamiques, riches et variés.
L’ingénieur marocain ne diffère pas des autres ingénieurs à travers le monde. Aujourd’hui, et demain plus encore, la technique sera de plus en plus automatisée et numérisée. Dans un tel contexte, l’ingénieur devra alors jouer le rôle d’interface entre le technologique et l’humain
Cette approche basée sur la mise en situation est généralisée à toutes les disciplines technologiques en mettant en avant le travail d’équipe, tout en suivant une démarche d’innovation pour la résolution de problèmes les plus proches des conditions professionnelles réelles.
Le « projet Communication et Développement des Soft Skills » cible les étudiants de 2ème année, avez-vous eu des difficultés de les impliquer dans ce genre d’ateliers ? Est-ce qu’ils étaient interactifs dès le premier atelier ?
Dans la mesure où le projet est nouveau, nous avons pris le temps de l’expliquer en détails à nos étudiants dans l’objectif d’impliquer et de motiver leur grande majorité. Il est clair que les acquis d’apprentissage visés sont ceux qui manquent à nos étudiants ou ceux qu’ils ne maîtrisent pas suffisamment. Nous citons à titre d’exemples : la prise de parole en public, le travail en équipe, l’autonomie, la créativité…
Au niveau psychologique, nous devons anticiper et prendre en considération le fait que nos étudiants, avant d’arriver à l’INPT, ont réalisé des parcours brillants et qu’ils se sont toujours inscrits dans la réussite. Mais dans le cadre de notre projet, nous les mettons en difficulté et ils se retrouvent dans une situation d’inconfort intellectuel et parfois physique aussi car nous visons leurs points faibles. Certains ont été déstabilisés, d’autres se sont vite adaptés et d’autres ont besoin de plus de temps… chacun son rythme. La seconde difficulté majeure, c’est que ces étudiants n’ont pas l’habitude de travailler dans ce genre d’ateliers : design thinking, team bulding, créativité dans sa dimension artistique, jeux de rôle… pour certains, ces situations d’apprentissage ne sont pas « assez sérieuses » à leur goût, pas d’algorithmes complexes, pas de fibre optique, pas d’ondes ni d’antennes… Il faut leur laisser le temps de découvrir et d’apprécier et surtout de se rendre comptent qu’ils apprennent autrement et qu’un atelier n’est pas « moins sérieux » qu’un cours classique.
Pour contourner ces difficultés, il est nécessaire de rester à leur écoute, d’être réactif pour leur apporter des éléments de réponse qui les sécurisent et les mettent en confiance pour qu’ils continuent à progresser et à évoluer dans ces nouvelles situations d’apprentissage.
Nous sommes convaincus de l’intérêt de notre démarche, ce qui va nous pousser à redoubler d’efforts pour que ce projet réussisse et qu’il profite à nos étudiants.
Qu’attendez-vous de vos étudiants à la fin de ce projet ?
Ce projet vise des compétences transversales, aussi bien au niveau de la communication et de la maîtrise des langues qu’au niveau du développement des soft skills. Nous pensons qu’il aura certainement une incidence positive sur la qualité des enseignements dans les matières de spécialité et aussi sur la qualité de la formation, en général, dans notre établissement.
Il est évident que grâce aux activités de renforcement linguistique et de développement personnel que nous proposons, les profils de nos étudiants seront améliorés. Ils développeront entre autres l’estime de soi, la confiance en soi, l’esprit de créativité pour être capables de faire face aux défis du monde de l’entreprise.
Les résultats positifs des évaluations réalisées nous confirment la réussite de notre projet. Ils nous encouragent à envisager la diffusion de cette expérience à l’ensemble des enseignements, dans le respect des alignements entre les différents acquis d’apprentissage visés pour garantir l’efficacité, l’efficience et la performance de notre dispositif de formation d’ingénieurs capables de relever les challenges à l’ère du digital.
Propos recueillis par RACHID WAHBI